antiAtlas Journal #3, 2019

Marchés informels et flux variables dans des zones-frontières fragiles

Edward Boyle & Mirza Zulfiqur Rahman

Dans cet article, nous nous intéressons aux différences qui existent entre la perception par les États de leurs frontières fragiles et par ceux qui résident à proximité. Comme le montrent les politiques actuelles de mise en place de barrières physiques sur les frontières, l’Inde a conscience de la fragilité de sa frontière avec le Bangladesh aux Meghalaya. Cependant, les marchés locaux sur la frontière montrent que les habitants sont capables de s’accommoder de sa présence, non pas en l’ignorant, mais par un dialogue avec les agents de l’État eux-mêmes.

Edward Boyle est professeur associé à la faculté de droit de l’université de Kyushu, au Japon. Il étudie les frontières et les espaces frontaliers au Japon, en Géorgie et dans le Nord-est de l’Inde, du point de vue des cartes et des représentations, de la gouvernance scalaire, la territorialité, les infrastructures, la mémoire et l’héritage, ainsi que l’histoire.

 

Mirza Zulfiqur Rahman est docteur en études du développement de l’institut indien de technologie à Guwahati, dans l’Assam. Ses recherches portent sur le Nord-est de l’Inde, en particulier les partages hydrauliques transfrontaliers et la production d’énergie hydraulique, les infrastructures de connectivité, les conflits et les insurrections, les processus de paix, les politiques de développement, les migrations et les échanges transfrontaliers.

 

Mots-clés : Frontières fragiles, façons de voir, visualisation, État, local, marchés, échanges transfrontaliers, illégalité

Les mandarines atteignent la route au-dessus du marché, d’où elles sont descendues jusqu’à la frontière.

Pour citer cet article : Boyle, Edward et Rahman, Mirza Zulfiqur, "Marchés informels et flux variables dans des zones-frontières fragiles" in antiAtlas Journal #3 | 2019, En ligne , URL : www.antiatlas-journal.net/03-marches-informels-flux-variables-dans-zones-frontieres-fragiles, dernière consultation le Date

Introduction

1 Le temps des fêtes commence souvent par des récoltes et pour les habitants de la zone de hauts plateaux à cheval entre le sous-continent indien et l’Asie du Sud-est, elles commencent avec la récolte d’un fruit en particulier. Quand l’hiver s’annonce dans le Meghalaya, un état du nord-est de l’Inde, c’est signe que les mandarines vont bientôt garnir les tables de fêtes de la population locale de la province, profondément chrétienne. La récolte des mandarines a lieu sur toute la bande de collines qui traverse le Meghalaya d’est en ouest. La limite sud de ces collines correspond à celle de la province et du pays, séparant le Meghalaya et l’Inde du Sylhet et du Bengladesh. Si la capitale de la province, Shillong, est trop élevée pour permettre la culture des agrumes, dans les vallées du sud qui mènent à la ville d’altitude débordant d’activité, héritage de l’époque britannique, l’air se charge du parfum des mandarines pendant les mois d’hiver. A cette période, tous les quatre jours, la douce senteur des mandarines du Khasi parvenues à maturité s’élève au-dessus des exhalaisons de sueur, d’essence et de saleté dans le marché qui se tient régulièrement dans la ville de Pynursla, séparée de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh par 30 kms d’une route approximativement bitumée, sur la route principale menant à la capitale de la province. Attirant tout autant des habitants des environs que des négociants venus de Shillong et des contreforts des collines, pendant la majeure partie des trois mois d’hiver, certaines sections de ce marché ressemblent à une piscine géante de balles monocolores, disposée là tout exprès pour que les acheteurs pressés, ainsi que l’observateur de passage, viennent s’y plonger.

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2 Alors qu’une bonne part de ces mandarines finissent par trouver leur chemin vers le hauts des collines, d’autres finiront par descendre dans la plaine de Sylhet pour être consommées par les habitants du Bangladesh voisin, raccordant ainsi des réseaux d’échange locaux de récoltes à la circulation transnationale de biens. Une partie de cette circulation se déroule par le biais des institutions du gouvernement indien, ce que révèle la mention des « mandarines » et autres « fruits de saison » dans les données collectées par les douanes du Meghalaya. Pourtant, une bonne part, et vraisemblablement la plus grande part, de ces mandarines restent dans des réseaux d’échange locaux quand elles passent d’un côté à l’autre de la frontière inter-états. Il y a là un « décalage » notable entre « le discours officiel [sur] le contrôle du passage des biens à travers ses frontières et la réalité du terrain » (Megoran, Raballand et Bouyjou 2005). Cet échange de mandarines entre communautés de part et d’autre de la frontière nationale qui se déroule tout le long de la démarcation entre Meghalaya et le Bengladesh demeure « illisible » par l’État (Scott 1998).

Du point de vue de la capitale nationale, à New Delhi, lointain siège d’autorité et de statistiques, cette incapacité à « lire » ce qui se passe aux bordures de l’Inde amène à les voir comme un « espace [profondément] sensible » (Cons 2016). Pour New Delhi, la frontière de l’Inde est semblable à la peau des mandarines qui la traversent : globale, englobante, tout en étant délicate et susceptible d’être perforée. La frontière nationale au sud du Meghalaya est donc vue comme fragile, ouverte à la pénétration par tout un ensemble de flux transfrontaliers non autorisés : terrorisme, migrations illégales et contrebande de biens illégaux ou illicites. Les inquiétudes quant au caractère fragile de cette frontière ont poussé New Dehli à se pencher sur sa sécurisation, comme le montrent les déclarations chaque année à propos de la construction d’une clôture sur l’intégralité de la frontière séparant l’Inde du Bangladesh. Le point de vue de l’État est conditionné par sa préoccupation d’y maintenir et d’y rétablir son autorité et, ce faisant, de renforcer son statut comme principal point d’attention pour ceux qui observent la frontière.

Les références à la « fragilité » de la frontière se conforment au point de vue de l’État, regardant les réseaux locaux d’échanges qui opèrent sans autorisation comme un défi à son autorité. Cependant, réduire notre compréhension de la frontière au regard censément panoptique de l’État limite notre capacité à lire les rôles économique et politique de la frontière elle-même. Ici, la « fragilité » de la frontière ne signifie pas qu’elle aurait été rendue inopérante sur le plan fonctionnel par l’action de groupes non-étatiques, mais simplement que la capacité de l’État à former une perception de la frontière n’est pas absolue. Alors que la représentation de la frontière par New Dehli, celle d’une démarcation linéaire surveillée et contrôlée entre les espaces distincts de l’Inde et du Bangladesh, n’offre qu’une vision étroite de la frontière du Meghalaya, elle est perçue par les populations locales à travers une série de prismes distincts et particuliers. Les différents individus participant à la circulation des mandarines et d’autres biens à travers les frontières nationales connaissent très bien la frontière, mais leur perspective n’est pas entièrement conditionnée par l’État. Cet article fera apparaitre les images de cette région frontalière telle qu’elle est perçue par ceux qui participent aux réseaux locaux d’échanges « invisibles » afin d’éclairer comment il faudrait comprendre ces frontières fragiles.

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Mandarines de Khasi.

I. Vues fructueuses

3 Les images choisies pour illustrer cet article cherchent à alimenter une ethnographie visuelle de la frontière qui permette de comprendre comment la frontière est perçue par une variété de personnes. Ce faisant, il s'agit d'élargir l’argument qu’on associe en particulier à Chris Rumford, qui veut qu’une frontière ne puisse pas être comprise depuis un point de vue unique et privilégié (généralement assimilé à celui de l’État) et qu’il faut reconnaître que la signification des frontières diffère suivant la perspective de chacun (Rumford 2012). Cette idée a été reprise dans d’autres recherches sur la frontière indo-bangladeshie, qui ont montré que les frontières ne sont pas simplement des constructions sociales, mais sont aussi pratiquées de différentes façons à différents endroits (Shewly 2016 ; Ferdoush 2018). Le présent article vise à proposer de multiples représentations visuelles des « expériences et des pratiques quotidiennes à la frontière » (Doevenspeck 2011, 130) et, pour ce faire, il s’appuie sur un ensemble d’images prises de, ou à, la frontière entre le Meghalaya et le Bangladesh par ses auteurs. Ces images donnent les moyens de dessiner les cadres de connaissance dans lesquels les participants perçoivent et comprennent ces expériences et ces pratiques.

Collectivement, présentée dans le corps de cet article, cette imagerie évoque les marchés frontaliers qui sont discutés dans le texte. Elle permet une représentation visuelle des expériences vécues par les gens contribuant aux échanges et aux espaces de ces marchés. On comprend bien entendu que les visuels superficiels qui accompagnent cet article ne peuvent offrir qu’une représentation partielle de la frontière. Toutefois, ces visuels seront complétés par les connaissances relatives à la nature des frontières, de façon à donner un aperçu de leur manifestation particulière ici, même de façon incomplète. Ce faisant, ces images nous aideront à montrer qu’il existe effectivement de nombreuses « façons de voir » l’espace de la frontière (Berger 2014).

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4 Outre apporter un contexte au récit relatif à la frontière du Meghalaya et ses marchés, ces images visent à contribuer à démêler les thèmes que souhaite aborder cet article et à éclairer la signification du texte. Pour ce faire, les images sont déployées ici comme autant de métaphores permettant de dépeindre certaines thématiques essentielles de l’article. L’utilisation des images comme métaphores contribue à ce que l’article fasse place aux regards contrastés que les communautés locales et nationales portent sur le marché. Elles contextualisent donc la capacité ou l’incapacité des villageois locaux à négocier les différents niveaux d’autorité que comportent ces espaces et ces interactions frontaliers. Les images sont des personnages en soi, capables d’évoquer des informations, des sentiments et des souvenirs (Harper 2002), dans ce cas des marchés et des espaces frontaliers avec les règles de conduite qui les constituent. Ces images apportent une cohérence au récit de cet article, alors que les métaphores visuelles qu’elles amènent éclairent plus largement les significations et les contextes dans lesquels ce récit est imbriqué. Prises ensemble, elles composent une ethnographie visuelle de cette frontière en proposant la vision recueillie par et auprès des communautés locales présentes dans ces espaces marchands, ainsi que des échanges qui se déroulent à travers les frontières nationales. Les images visent à mettre l’accent sur les différentes façons selon lesquelles l’État et les communautés perçoivent la frontière et par conséquent présentent un ensemble de perspectives frontalières contrastées et contradictoires qui soulignent la perméabilité ou non de la ligne de démarcation.

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II. Zones frontières meurtries

5 L’intérêt qu’a manifesté dernièrement le gouvernement indien pour la sécurisation de la frontière avec le Bangladesh trouve un écho dans la construction des clôtures et murs de démarcation ailleurs dans le monde (Jones 2012 ; Valle et David 2012 ; Hassner et Wittenberg 2015). Si la multiplication actuelle de ces « délimitations fortifiées » est la preuve d’une insécurité récurrente ressentie par les États quant au contrôle de leurs propres extrémités, on a aussi évoqué, pour l’Inde en particulier, une « angoisse » nationale persistante relative aux limites de l’État découlant de l’émergence postcoloniale traumatique du pays, dernier vestige à majorité hindoue de l’Inde britannique (Miller 2013 ; Abraham 2014 ; Krishna 1994). Avec la partition, la ligne tracée au pied des collines du Meghalaya a introduit un autre front à travers lequel l’Inde et le Pakistan pouvaient se dévisager mutuellement avec agressivité. Pourtant, outre ces préoccupations liées à la violence toujours actuelle du démembrement territorial, à la fois dans le sens métaphorique de division spatiale (Olsson 2007) et dans ses manifestations très concrètes au cours des 70 années de séparation (Zamindar 2007 ; Sur 2015), la fragilité de cette frontière particulière se trouve accentuée par la position du Meghalaya comme double frontière.

En effet, la province fait partie du Nord-est de l’Inde, une région demeurée contiguë avec le reste du pays à la suite de la partition, reliée par le plus étroit des passages, le célèbre corridor de Siliguri (nommé en anglais chicken’s neck, le « cou de poulet ») dans le Bengale-occidental. Les relations entre le Nord-est et la capitale ont été régulièrement compromises par les revendications autonomistes soutenues par une variété de groupes de la région, ainsi que par la persécution des soulèvements qui les portaient. La réaction de New Dehli a oscillé entre répression militaire brutale et tentative de conciliation des plus insolubles parmi ces conflits, sans remise en cause l’autorité de l’État central. C’est la volonté de préserver l’autorité de l’État dans le Nord-est qui a conduit à la création du Meghalaya lui-même, un an après la transformation du Pakistan oriental en Bangladesh après une guerre civile sanglante au cours de laquelle des guérillas bangladeshies sont venues s’entrainer sur le territoire indien, d’où opérait aussi son gouvernement en cours de constitution. L’État indien a répondu aux revendications d’autodétermination avancées par les trois principales tribus, les Garo, Khasi et Jaintia, habitant les districts montagneux de l’Assam (alors unitaire) en traçant la frontière de la province du Meghalaya le 21 janvier 1972. Ce geste reflétait la reconnaissance par New Dehli des aspirations indigènes à l’autonomie et l’idée que de plus petites provinces aux frontières de l’État rendraient leur administration plus efficace et effective (Baruah 1999 ; Chaube 1999).
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Vie quotidienne au Meghalaya le long d’un segment clôturé de la frontière Inde-Bangladesh.

6 A cette occasion, ni la création de la nouvelle province frontalière de Meghalaya, ni les relations établies entre l’Inde et le Bangladesh, bien plus chaleureuses qu’avec le Pakistan, ne sont parvenues à chasser les préoccupations relatives à cette frontière. L’insécurité le long de la ligne de démarcation du Meghalaya a atteint des sommets au cours des années 1980, alors que l’armée indienne combattait plusieurs groupes insurgés. Le conflit a connu sa phase la plus aiguë avec la création du Hynniewtrep Achik Liberation Council (HALC), réunissant les trois principales tribus de la province, les Khasis, Jaintias et Garos, autour d’un but commun : l’expulsion des étrangers. Les différences ethniques ont abouti à une scission en 1992, avec le Hynniewtrep National Liberation Council (HNLC) représentant les Khasis et les Jaintias et l’Achik Matgrik Liberation Army (AMLA), représentation des Garos. Même si aujourd’hui la lutte armée pour un Khasiland autonome se poursuit, l’intensité du conflit a spectaculairement baissé. Au contraire, la revendication séparatiste Garo s’est maintenue, au départ par le biais de deux nouveaux groupes formés dans les montagnes Garo au cours des années 2000 (Rahman 2015).

Le Meghalaya constitue donc une double frontière, servant d’enclave administrative à des groupes tribaux chrétiens qui se pensent largement en opposition à un État indien vu par le prisme de New Dehli, et il est situé à la bordure d’une région dont le lien avec le reste du pays est perçu comme faible. La « friction avec le terrain » a rendu le contrôle de l’État sur les collines dépendant des relations avec la population locale (Scott 2010), des relations qui ici, comme ailleurs dans le Nord-est, ont été entachées par les atrocités commises par les militaires en représailles aux actions des insurgési. Même si la situation dans le Meghalaya s’est dans l’ensemble améliorée depuis les années 1990, d’autres groupes venus d’ailleurs dans le Nord-est ont toujours leurs bases de l’autre côté de la frontière avec le Bangladesh et passent en Inde avec une relative impunité. L’attention accordée dernièrement dans les médias aux kidnappings et à la violence des insurgés dans les collines Garo, ingouvernables de longue date, manifeste la fragilité de l’emprise de l’État sur ce territoireii, et contribue à justifier la perception qu'a New Dehli de ces régions frontalières comme vulnérables aux flux traversant les limites de l’état, et donc la nécessité de les penser au prisme de la sécurité.

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Revendications séparatistes le long des routes nationales dans l’ouest du Meghalaya.

III. Marchés frontaliers

7 La volonté de l’État indien de sécuriser et de dominer la frontière se manifeste dans sa détermination à y établir une clôture physique. Cependant, cette préoccupation sécuritaire, combinée au lien existant entre légitimité politique et développement, a conduit à s’intéresser tardivement à la promotion de la croissance économique dans le Nord-est pour en faire une réponse plus efficace aux revendications locales que la seule répression. La « libéralisation » de l’économie indienne à la suite de la Guerre froide s’est traduite par à-coups en un ensemble d’orientations politiques qui visaient à transformer la région isolée du Nord-est en zone de connectivité, facilitant les liens tout autant avec la Chine que le Sud-est asiatique (Das et Thomas 2016 ; Haokip 2015 ; Uberoi 2016). Ces orientations promettaient de transformer la structure économique de ces provinces et de revenir sur l’héritage de la partition, à la suite de laquelle le Nord-est « avait hérité de frontières qui […] étaient extrêmement gênantes pour la circulation commerciale traditionnelle, ne tenaient aucun compte des ressources et étaient totalement indifférentes aux forces et aux tendances démographiques. » (Wirsing and Das 2016 : 49).

Récemment, l’État s’est un peu préoccupé de dépasser la « perturbation » commerciale induite par la partition en mettant en place un nombre limité de haats frontaliers sur la frontière indo-bangladeshie. Présentés comme des interventions bienveillantes de la part de gouvernements préoccupés à prolonger le discours actuel sur « agir vers l’Est » et les couloirs économiques jusqu’au niveau des communautés frontalières isolées, ces haats sont des marchés permettant des échanges transfrontaliers de produits locaux. Ces marchés sont établis sur le tracé même de la frontière internationale, avec une partie du marché situé du côté indien et l’autre du côté du Bangladesh, et sont théoriquement censés offrir un espace dans lesquels des résidents des deux côtés de la frontière peuvent se réunir et commercer. Ces haats frontaliers officiels sont présentés comme un renouveau d’anciennes pratiques commerciales (à ce propos, voir Boyle et Rahman 2018).

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Panneau indiquant un haat officiel frontalier, récemment mis en place pour faciliter le commerce à travers la frontière.

8 La présence d’un tel commerce dans la région se lit dans l’utilisation du terme « haat » lui-même, emprunté aux peuples des plaines du Sylheti alors sous domination moghole. Le terme a été employé par les gens des collines du Meghalaya pour désigner ces marchés où les échanges se faisaient entre eux et les gens des plaines, afin de les distinguer des autres marchés existants entre les peuples des collines eux-mêmes (ces derniers étant désignés comme « ya » parmi les Khasi, par exemple). L’héritage de ces échanges se manifeste le long de la frontière actuelle entre l’Inde et le Bangladesh, autour de laquelle se trouve une série de toponymes évoquant l’histoire des échanges commerciaux par l’addition de « haat » à leur nom : Hat Nongjri, Hat Umniuh, Hat Thymmai (aussi connu comme Naya Bazar, ou « nouveau marché »), etc.

Pourtant, ces toponymes ne sont pas qu’une indication de l’histoire passée de la circulation commerciale entre les plaines et les hauts plateaux avant le tracé d’une frontière internationale qui a donné à ces échanges commerciaux leur caractère international. Malgré un manque de reconnaissance officielle et une pression croissante pesant sur cette forme illicite de commerce, de nombreux marchés semblables continuent à se tenir. Le long de cette frontière, un « haat » ne désigne pas forcément un des espaces historiques d’échanges existant avant l’interruption des flux traditionnels par l’introduction d’une frontière moderne nationale, ou des lieux de commerce sur la délimitation moderne, approuvés et institutionnalisés par l’État. Le terme peut aussi être utilisé en référence à une série de marchés informels prenant place le long de la frontière. Le reste de cet article s’attachera principalement à montrer et analyser la structure d’un de ces marchés, afin de montrer comme la frontière y est perçue.

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Carte montrant la position du Meghalaya en Inde.

IV. Économies informelles

9 C’est par le biais de ces marchés informels que certaines des mandarines achetées au marché de Pynursla finiront par dévaler la route nationale en direction de la frontière bangladeshie, embarquées sur des Sumos (jeeps) jaunes omniprésentes, destinées à être proposées dans les échanges d’un commerce « international » non reconnu. A visiter ces marchés non-officiels, on comprend bien quels sont ces flux transfrontaliers locaux ayant depuis longtemps composé une partie de la vie des régions frontalières, indépendamment des prétentions implicites de l’État à avoir mis un terme à ce commerce en imposant des frontières nationales. Pour les membres des communautés Khasi des zones frontières, ces flux économiques sont avalisés par la coutume, ces liens ayant existés bien avant la présence d’une frontière internationale en ces lieux. Ce qui est licite pour les habitants de ces régions est cependant tenu pour un commerce transfrontalier illégal par l’État (van Schendel 2005 ; plus largement, Abraham et van Schendel 2005). La façon dont New Dehli comprend le rôle fonctionnel de la frontière n’a pourtant eu, jusqu’à aujourd’hui, que peu d’effet sur la perception que peut en avoir la population locale. Du côté indien, la tenue du marché transfrontalier est elle-même précédée d’un rassemblement des membres des tribus locales Khasi dans un ensemble de structures en dur plus permanentes destinées au marché et bâties en territoire indien. Ce rassemblement témoigne de la pérennité d’un événement en apparence précaire.

Si le marché a pu être occasionnellement interrompu d’un côté ou de l’autre, cela n’a jamais été pour longtemps. Un vieux monsieur affirmait s’être rendu pour la première fois au marché en 1963, quand il devait marcher pendant 6 heures avec un panier de mandarines sur le dos, descendre dans une vallée, franchir un pont, pour finalement rejoindre ce marché au pied des collines. Avec l’omniprésence des Sumos, il n’est plus besoin de fournir autant d’efforts et de se casser le dos pour amener des produits sur le marché, ce qui est peut-être une chance pour les enfants de la région, maintenant que la plupart des marchandises circulent dans des véhicules motorisés.

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Carte du Meghalaya 
[https://www.google.co.jp/maps/@25.1798151,91.8108621,14.29z?hl=en] Map Data © 2019 Google

Les mandarines atteignent la route au-dessus du marché, d’où elles sont descendues jusqu’à la frontière.

Permanence : l’ensemble de structures en dur précaires du marché permanent en Inde, où les Khasi se rassemblent avant d’aller franchir la frontière.

10 La longévité du marché témoigne cependant de la place qu’il occupe dans un réseau de commerce local qui couvre les deux côtés de la frontière, offrant un accès régulier à des biens venus de ce qui est dorénavant le pays voisin. Les produits qui s’échangent sur ces marchés sont saisonniers et en grande partie périssables. En hiver, les mandarines venues des villages le long de la frontière ou descendues en camion depuis Pynursla, constituent la majeure partie de la récolte des Khasi, avec les noix de Bétel, produites toute l’année (celles du Meghalaya étant réputées les plus puissantes qui soient) et les calebasses, alors que d’autres moments de l’année voir l’arrivée d’autres fruits, comme les ananas. En contrepartie, les commerçants bangladeshis se voient proposer une gamme de produits principalement agricoles, aubergines, tomates, haricots verts et choux-fleurs, ainsi que du poisson et des produits d’origine moins agricole, comme des jouets en plastique et ballons de baudruche, de leur côté du marché.

Le marché se tient le plus souvent à portée de vue de la borne marquant la frontière internationale, les villageois venus du côté bangladeshi franchissant physiquement la frontière et s’installant pour vendre du côté indien. Même si le marché se trouve intégralement en territoire indien, une distinction spatiale entre les deux groupes a été préservée, les Bangladeshis plaçant leur marchandise en rangées au pied des collines et les Khasi occupant le terrain légèrement plus élevé au-dessus d’eux, reproduisant à petite échelle la géographie de leurs habitats respectifs.

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Permanence : un habitant de Shillong, venu pour la première fois au marché alors qu’il était enfant en 1963, alors qu’il devait marcher pendant 6 heures dans les collines avec un chargement de mandarines sur le dos. On le voit ici avec sa sœur, qui vient encore régulièrement au marché.

Un commerçant bangladeshi présente ses articles avec fierté, des légumes qui ont poussé dans les plaines de Sylhet pour être ensuite acheminés à travers la frontière pour être vendus aux Khasi du Meghalaya.

11 Si ces espaces d’échanges informels n’ont pas d’existence officielle, il n’est pas tout à fait exact de dire que ces marchés se déroulent hors de portée de l’État. Des membres de la Border Security Force indienne (BSF), la principale force de police armée chargée de garder les frontières du pays, patrouillent et surveillent le marché. En outre, des membres locaux du vaste appareil de renseignement de l’État indien sont aussi fréquemment présents et circulent dans la région. Si le marché se tient sur le sol de l’Inde, cela implique que la présence des membres de la BSF est bien visible. Au contraire, de l’autre côté de la frontière, leurs homologues paramilitaires du Border Guards Bangladesh (BGB), ne se montrent pas vraiment sur le marché, mais sont présent à l’arrière-plan et disposent de leurs propres contacts parmi les participants bangladeshis.

Le moment où se tient le marché et sa durée semblent largement dépendre du contrôle de la BSF. A un moment donné, on estime que le temps alloué au marché est écoulé et les organisateurs locaux en sont informés. Il leur incombe alors de passer parmi les commerçants, de les informer que les transactions sont finies pour la journée, donnant le coup d’envoi pour un ultime round de négociations frénétiques. Les acheteurs et les vendeurs sont à nouveau séparés en populations nationales distinctes, les Khasis retournant à leurs kiosques permanents, alors que les Bangladeshis retraversent la frontière nationale.

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12 La fermeture du marché n’implique pas forcément la fin du travail pour de nombreux participants, pour qui la présence sur le marché pour y vendre des produits ne constitue simplement que la première moitié du commerce de la journée, qui se poursuit dans leur village d’origine. Cela s’explique par la « durée de vie » limitée d’une bonne part des produits à l’étalage, un facteur qui était déjà clairement important dans les échanges eux-mêmes. Cela garantit la dimension locale des réseaux marchands dans lesquels s’inscrivent les marchés : les Bangladeshis qui achètent ces mandarines les ramènent dans leurs villages où ils les revendent, chaque village ayant un nombre d’acheteurs sur le marché qui pourvoient à ses besoins. L’histoire se déroule de la même façon de l’autre côté, quoique sur une échelle encore plus réduite. Par exemple, un groupe de cinq femmes descendait d’un village en particulier le matin pour vendre les mandarines qu’elles avaient cueillies et achetées sur place, puis revenaient l’après-midi pour vendre les légumes et le poisson qu’elles avaient achetés au marché du village le même soir. Elles ne faisaient pas beaucoup de marge sur ces produits, mais leur relation tenait plus de la coopération que de la concurrence, et leurs achats suffisaient à approvisionner le village jusqu’à la tenue du marché suivant. La vie locale des deux côtés de la frontière bénéficie et dépend par conséquent de ces marchés, qui fonctionnent hors du regard de l’État.

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Installation du marché au pied des collines, à peine au début du territoire indien. Les produits sont apportés depuis le Bangladesh. On devine la borne marquant la frontière internationale à l’arrière-plan, avec les rizières du Bangladesh au loin.

V. Frontières administratives et administrateurs de la frontière 

13 C’est au cours de ces moments informels que l’exportation des mandarines « officielles », celles qui rebondissent à l’arrière des camions franchissant les points de contrôle à Dawki et ailleurs, se retrouvent en compagnie de leurs subversives cousines acidulées, qui demeurent invisibles pour l’État au moment de franchir la frontière. L’incapacité de l’État à voir ce qui traverse la frontière n'implique pourtant pas son absence, puisqu’elle demeure inhérente à la pratique du marché.

Les frontières de l’État sont reproduites dans la structure du marché lui-même, qui se déroule sous forme de transactions non seulement entre Indiens et Bangladeshis, mais aussi entre Bangladeshis Khasi et Sylheti, des dénominations ethniques qui en l’occurrence recouvrent parfaitement la citoyenneté accordée à chaque groupe de participants. Le marché recrée ainsi l’espace de la frontière en miniature, avec une séparation nette entre les participants bangladeshi et khasi, les commerçants restant groupés selon leur ethnicité. La frontière qui sépare l’Inde du Bangladesh se trouve donc aussi traverser cet espace du marché, séparant les participants les uns des autres. La fin du marché est marquée par le retour des acheteurs de chaque côté à « leurs » espaces respectifs de l’autre côté du marché et au-delà. La frontière internationale entre l’Inde et le Bangladesh continue à fonctionner, indépendamment de la position réelle du marché dans l’espace. Au niveau local, cette frontière est par conséquent « mobile », positionnée entre les deux côtés quel que soit l’endroit où se situe le marché.

Il est important de le noter, car même si le marché possède un emplacement régulier, il n’est pas permanent. En outre, le moment de la journée où se tient le marché n’est pas déterminé, mais négocié à chaque fois par les personnes concernées. Ces négociations sont menées par les organisateurs du marché des deux côtés de la frontière, avec la BSF, la BGB et le propriétaire du terrain. Ce n’est qu’au moment où ces négociations aboutissent favorablement qu’un signal est donné aux participants afin qu’ils se dirigent vers l’endroit où le marché va se tenir. Il s’organise ensuite sur le terrain à découvert au pied des collines, les Khasi descendant vers cette zone depuis leur point de rendez-vous plus haut sur le chemin, pour retrouver leurs homologues bangladeshis qui traversent librement la frontière.

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Deux femmes khasi observent les produits d’une rangée de vendeurs de poisson bangladeshis au marché frontalier.

Vente de poisson et d’autres produits venus du marché frontalier, le soir même, à un village près de la frontière.

14 On ne peut par conséquent pas dire que l’État n’est pas présent à la frontière, puisque ses agents sont effectivement sur place et surveillent ce qui se passe. Néanmoins, le marché qu’ils surveillent n’a pas d’existence officielle et si ces individus incarnent en leurs personnes la violence potentielle de l’État, s'ils montrent la présence de l’État jusque sur ses marges, on ne peut pourtant pas tenir leur présence pour un acte de reconnaissance. Malgré la présence d’agents étatiques, ces évènements se déroulent sans l’autorisation de l’État. Cela se voit par l’absence de toute procédure d’immigration ou de douane et encore par l’absence de connaissance des marchés, en dehors du niveau immédiatement local où ils se déroulent. Des responsables des douanes basés à Shillong nous ont ainsi indiqués au cours d’entretiens que dans les quelques endroits où ce commerce local transfrontalier se tient, il ne concernerait que 4 ou 5 participants, au lieu des communautés entières qu’il est capable de mobiliser. Par conséquent, l’implication de l’État, comme celle des marchands et des participants, s’organise à un niveau local, ce qui fait que la perception qu'en a l’État, depuis New Dehli, est déformée par les agissements de ses propres agents.

Cela va jusqu'à la façon dont ces marchés ont été informellement et illicitement institutionnalisés avec la connivence de ces mêmes agents. Le processus de mise en place des marchés repose sur des négociations qui se déroulent au niveau le plus local, avec les commandants locaux de la BSF. Cela implique un cycle régulier de négociations lié à la durée standard de rotation de la BSF, qui déploie ses troupes pour trois ans : dans un premier temps, les officiers nouvellement nommés font généralement un effort pour « resserrer » la frontière, avant que les accords relatifs à la tenue des marchés ne soient établis entre la BSF et les habitants. On peut voir cela comme une tentative de la part de l’État pour garantir la sécurité et les moyens de subsistance de la population locale, sauf que, comme on l’a déjà remarqué, pour l’État ces marchés n’existent pas officiellement. En réalité, la crédibilité de la BSF comme organisation chargée de sécuriser la frontière dépend du fait qu’elle continue de permettre à ces marchés de se tenir.

La préservation de la frontière est associée à l'existence d’espaces d’échanges qui peuvent être négociés par les communautés de part et d’autre de la frontière nationale. Cette mise à disposition se produit malgré la présence de l’État et non grâce à lui, mais les agents de l’État sont en mesure de « légitimer » leur statut en rendant possibles ces espaces d’échanges informels (cf. Tilly 1985). Ce faisant, ils en viennent à opérer comme n’importe quel autre groupe armé, garantissant la sécurité des flux et des échanges transfrontaliers. Comme tels, ils deviennent à la fois des agents de l’État et de sa subversion, préservant et remettant simultanément en cause la frontière.

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A droite : des Khasi s’acheminent vers le lieu du marché au pied des collines, les Bangladeshis traversant la frontière sur la gauche.

VI. Cadres flous

15 Cet article présente un examen empirique particulier de la persistance des rapports commerciaux à travers les frontières d’un pays moderne, qui se poursuit en dépit de la violence engendrée par le sentiment d’insécurité de l’État vis-à-vis de ses propres marges. Le commerce illicite qui se déroule le long de la frontière Inde-Bangladesh dans le Meghalaya ouvre une perspective fructueuse (jeu de mots volontaire) sur cette situation en apparence paradoxale. L’isolement du Nord-est par rapport à l’ensemble de l’Inde et donc l’importance des liens anciens existant à travers la frontière pour des communautés qui vivent autour d'elle, rendent la région particulièrement propice à l’étude de tels circuits d’échanges locaux, qui colportent des objets aussi inoffensifs que la mandarine du Khasi jusqu’aux plaines du Bangladesh. C’est particulièrement le cas en ce moment, alors que la ligne frontière est de plus en plus clôturée sur sa longueur.

On considère souvent de tels échanges comme une remise en cause locale de l’autorité de l’État, parce qu'ils se font sans autorisation et que leur existence est scrupuleusement ignorée par le centre. Pourtant, les voir seulement sous cet angle revient à ignorer le fait qu’ils dépendent, dans un premier temps, de l'acceptation par les habitants de la région des prétentions territoriales de l’État (Dean 2012 : 227). Cette acceptation est une condition des tentatives à petite échelle de subversion du contrôle officiel. Dans le cas de la frontière entre Inde et Bangladesh, un rejet de certains aspects de l’autorité de l’État va dès le départ de pair avec une acceptation de ses prétentions normatives. Si l’accent mis sur la sécurisation de la frontière reflète la conscience qu'a New-Delhi des limites de sa propre autorité, cela a aussi donné aux habitants de ces régions une certaine latitude pour exploiter les préoccupations de l’État afin de se voir accorder des autorisations locales de la part des agents de l’État pour se livrer au commerce transfrontalier.

Malgré l’insistance de l’État à renforcer ses limites, dans les contreforts du Meghalaya la frontière continue à être tout autant définie par son franchissement que par la ligne elle-même. Ces flux de gens et de marchandises, qui permettent à la douce senteur de la mandarine de Khasi de traverser la frontière en accompagnant les paniers de fruits qui sont portés d'un côté à l'autre, n'existent que par la perpétuelle négociation des habitants de la région. Les préoccupations étatiques à propos des frontières contribuent en même temps à la fragilité de leur existence quotidienne et à l'existence d'arrangements qui donnent un espace pour des exceptions locales aux impératifs nationaux. La façon dont cette frontière est perçue par les habitants de la région est en définitive relative et conditionnée ; comme les mandarines par lesquelles nous avons commencé, la frontière n’est ici pas lisse, mais pleine de trous et irrégulière.

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Affiche de la Border Security Force près du point de passage de la frontière internationale à Dawki, au Meghalaya. L’image de l’affiche montre la frontière que patrouille la BSF, clôturée et sécurisée, conformément à l’idée que s’en fait New Dehli, mais ce n’est pas la frontière qu’on perçoit ailleurs le long de cette même démarcation internationale.

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Notes

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1 L’Inde se compose formellement d’une fédération d’états. Toutefois, pour éviter la confusion avec l’État indien, le terme de province sera dans ce qui suit utilise pour parler des états constitutifs de l’Inde, comme le Meghalaya.
 

2 Sauf quand le quatrième jour après le marché précédent tombe un dimanche, auquel cas il est remplacé par le samedi ou le lundi.
 

3 L’importance des mandarines pour la ville est perceptible par exemple dans l’article « Meghalaya Orange Festival A Boon For Local Farmers », The Shilling Times, 13 décembre 2014. Consulté le 18 avril 2017 : http://www.theshillongtimes.com/2014/12/13/meghalaya-orange-festival-a-boon-for-local-farmers
 

4 Dont 1880 kms le sépare du nord-est : 856 kms avec le Tripura, 443 kms avec le Meghalaya, 318 kms avec le Mizoram et 263 kms avec l’Assam. A la mi-2016, on a annoncé l’achèvement des travaux pour 2017 : voir « Indo-Bangla border fencing work to finish by 2017 », Indian Express, 25 juin 2016. Consulté le 28 avril 2017 : http://indianexpress.com/article/india/india-news-india/indo-bangla-border-fencing-work-to-finish-by-2017-2875548/; plus récemment, la date a été repoussée à 2019, Voir Shiv Sahay Singh, « Half of India-Bangladesh border fenced », The Hindu, 3 mars 2017. Consulté le 28 avril 2017 : http://www.thehindu.com/news/national/half-of-indiabangladesh-border-fenced/article17396794.ece
 

5 Cela se retrouve dans l’apparition du Manipur et du Tripura, alors que le Mizoram et l’Arunachal Pradesh se voyaient accorder ce même jour le statut de territoires membres de l’Union. Ces derniers devaient accéder au statut d’état fédéral en 1987.
 

6 Plusieurs hauts dirigeants du HLNC se sont rendus, y compris son secrétaire général, Julius Dorphang, en juillet 2007, même si l’organisation demeure puissante dans les zones frontalières qui relient le Meghalaya au Bangladesh.
 

7 Il s’agissait du Peoples Liberation Front of Meghalaya (PLF-M) et du Liberation of Achik Elite Force (LAEF). Par la suite, en 2009, un ancien haut fonctionnaire de la police du gouvernement du Meghalaya, Champion Sangma, a constitué la Garo National Liberation Army (GNLA) qui a relancé l’insurrection, revendiquant un Garoland souverain.
 

8 La priorité accordée au contrôle militaire sur le Nord-est se voit dans l’application de la loi de 1958 sur les forces armées [les pouvoirs spéciaux] qui régit les relations entre les militaires et la population civile, voir McDuie-Ra (2009).
 

9 Supposément avivée par la politique de « démonétisation » introduite sans prévenir par le gouvernement Modi le 8 novembre 2016, débouchant sur de graves problèmes de liquidités dans tout le pays et en particulier dans les régions frontalières reculées.
 

10 L’analyse empirique des marchés informels provient en grande partie des visites répétées à un marché en particulier, et ne doit pas forcément être tenue pour représentative. Le marché en question est l’un des plus anciens le long de la frontière, mais aussi un marché où se retrouvent généralement des habitants de la région avec leurs produits, ainsi que de grandes quantités de productions agricoles saisonnières, comme les mandarines provenant de toute une zone plus vaste. Il se tient donc sans qu’il y ait besoin d’une quelconque infrastructure formelle. On trouve au contraire des marchés qui ont développé les rudiments d’un ancrage fixe, qui se tiennent de façon plus formelle, et se caractérisent par la présence d’échanges commerciaux à plus longue distance et de plus grande échelle. Le marché sur lequel nous nous attardons ici doit être vu comme s’acheminant vers cette situation en ce qui concerne l’échelle à laquelle opèrent ses participants, mais il faut tout de même garder à l’esprit que de nombreuses remarques faites à son sujet s’appliquent à tous les marchés informels le long de la frontière.
 

11 Cet hiver, les acheteurs bangladeshis cherchaient à retarder les achats auprès des vendeurs de mandarines Khasi, négociant avec agressivité pour faire baisser les prix alors que le marché approchait de son terme. Ces derniers n’avaient pas vraiment d’autre choix que de consentir à une baisse sur leur marchandise, les mandarines commençant à pourrir quatre ou cinq jours après leur récolte et la majorité des vendeurs n’étant présents qu’à ce marché frontalier, n’en fréquentant pas d’autres.
 

12 En termes d’identité des participants , elle est reconnue par leurs pairs plutôt que selon des critères « ethniques ». Les deux groupes parlent des langues différentes et sont en grande partie différents l’un de l’autre. Cela s’applique à ceux qu'on peut s’attendre à trouver entre les frontières tracées entre ces groupes. Nous avons parlé avec une femme Khasi dont le père était bangladeshi, mais qui s’identifiait entièrement comme Khasi et indienne, indépendamment de ses origines, et qui était traitée comme telle par les autres membres de la communauté.

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https://www.antiatlas-journal.net/pdf/03-Boyle-Rahman-marches-informels-flux-variables-dans-zones-frontieres-fragiles.pdf

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