antiAtlas #5 – 2022
« OPÉRATION AUTOMNE NOIR » : LA GENÈSE DES EXPULSIONS PAR VOIE AÉRIENNE EN SUISSE, 1985
Marianne Büttiker, Friederike Kretzen et Barbara Lüthi
Résumé : En 1985, des migrants zaïrois ont été expulsés de Suisse dans ce qui était vraisemblablement la première expulsion massive sur un vol charter nommé « Opération Automne noir ». Dans le cadre d'un travail de collaboration entre une historienne, une artiste et une écrivaine, l'article aborde cette expulsion par voie aérienne sous différents angles en l'inscrivant historiquement entre les enchevêtrements coloniaux de la Suisse et les politiques d'immigration de plus en plus restrictives depuis les années 1980.
Marianne Büttiker vit, travaille à Bâle et chemin faisant. Après des études à l'école de design de Bâle, elle a œuvré pendant de nombreuses années comme designer textile indépendante et médiatrice d'art ; aujourd'hui, l'artiste plasticienne vit et s'installe là où l'art l'attire. Ses projets passés et présents sont « Archive de sons - les lieux et leurs couleurs, 2007 - 2017 » et « Senda d'aua », vision des sources minérales en Engadine, un travail de recherche sur les 25 sources minérales curatives de la Basse Engadine depuis 2020 intitulée : “Memory and memory sources and essences”.
Friederike Kretzen, née à Leverkusen, a étudié la sociologie et travaillé comme dramaturge à Munich. Écrivaine, auteure de nombreux romans,critique littéraire et essayiste, elle est chargée de cours à l'École polytechnique fédérale de Zurich, à la Haute école des arts de Zurich (ZHdK) et à la Haute école spécialisée bernoise (BFH). Dernière publication : "Schule der Indienfahrer". Ouvrage en cours : Persienroman.
Barbara Lüthi, historienne et chercheuse est titulaire d'un doctorat (PhD) en histoire nord-américaine et européenne, études postcoloniales, histoire globale et histoire des mouvements sociaux à l'Université de Leipzig, en Allemagne. Citons, parmi ses publications, Postcolonial Switzerland (co-écrit avec Patricia Purtschert et Francesca Falk, 2013, 2ème édition). Elle vient d'achever un livre intitulé The Freedom Riders Across Borders: Contentious Mobilities (Routledge).
Cette collaboration entre une artiste, une écrivaine et une historienne propose un mode d'écriture « choral » dans lequel de multiples voix et images s'entremêlent et forment un texte polyphonique.
Illustrations de l'article : Marianne Büttiker
Mots-clés : Opération Automne noir, expulsions par voie aérienne, Suisse, Zaïre, art, littérature, histoire
antiAtlas Journal #5 : Expulsions par voie aérienne
Dirigé par William Walters, Clara Lecadet et Cédric Parizot
Design: Thierry Fournier
Secrétariat de rédaction : Maxime Maréchal
antiAtlas Journal
Directeur de la publication : Jean Cristofol
Directeur de rédaction : Cédric Parizot
Directeur artistique : Thierry Fournier
Comité de rédaction : Jean Cristofol, Thierry Fournier, Anna Guilló, Cédric Parizot, Manoël Penicaud
Pour citer cette article : Lüthi Barbara, Kretzen Friederike, Büttiker Marianne, « OPÉRATION AUTOMNE NOIR » : La genèse des expulsions par voie aérienne en Suisse, 1985, publié le 1er juin 2022, antiAtlas Journal #5 2022 en ligne, URL: https://www.antiatlas-journal.net/05-buettiker-kretzen-luethi-operation-automne-noir/, dernière consultation le Date
I. I. Vers où volent-ils, les avions ?
1 Pour moi, née peu après la guerre en Allemagne, le mot expulsion (deportation) est associé à des peurs profondes. Des peurs que j'ai partagées avec mes parents, mes voisins, les rues et les champs. Des peurs tapies dans les jardins d'enfance, qui s'asseyaient aux pupitres des écoles et m'ont appris à écrire. Aujourd'hui encore, ce mot me fait frissonner. En vieillissant, à l'époque du soulèvement des années 1960/1970 (Kretzen, 2018), j'étais sûre que ce mot ne serait plus jamais utilisé. Ce mot évoquait l’impensable, le mot ultime de l'abus.
Ce mot évoquait l’impensable, le mot ultime de l'abus
Je ne pouvais pas imaginer que le mot sortirait un jour de tes lèvres, aussi directement. Comme une incantation qui nous protège des menaces extérieures.
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In flight. An airplane doesn't read the newspaper, it doesn't know what it's doing. It buzzes, is big, flies over all warning lights through the heights of memorylessness. What a sky, what width, how high the air. Where the blue moments emerge, the transitions from space to light. And as if mad it dreams to embrace the sky. To connect times, countries and seas, and rather be wrong than let others decide. The aircraft does not hold its course, leaves its route, and turns back. It brings the birds back. Even the odd ones. Which we miss.
2 Où volent-ils, où vont-ils ? Que font les pilotes, les hôtesses de l'air, à quoi rêvent-elles ? Qui sont-elles ? Et le ciel, au petit matin où ils décollent tous ensemble ? Laissant derrière les halls et les couloirs de l'aéroport, les inspecteurs et les agents de sécurité. Les montres, le personnel des cantines, les produits de la boutique hors taxes. Mille bouteilles de whisky. Tout le monde participe, est là, prétendant n’être qu'air. D'où viennent les ordres ? Qu'écoutent-ils lorsque des personnes enchaînées sont emmenées au nom de la loi à travers la forêt obscure comme dans le conte de fées Hansel et Gretel ?
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3 Les pays et leurs chevreaux. Les pays ne sont pas des avions. Ils ne partent pas, ne s'élèvent pas, ne s'en vont pas. Ils veulent rester, sécuriser les frontières, tout verrouiller. Ils ne cherchent pas d'aventures, n'ont pas non plus l'esprit d'aventure, restent au sol, insistent sur le droit, l'ordre et les faits. Seules les transitions, les portes et les fenêtres posent problème. Qu'est-ce qui peut entrer, qui doit sortir ? L'ennemi à l'extérieur, l'ami à l'intérieur ? La mère ou le loup ? Mange un peu de craie, peinds la patte en blanc, et l'un ressemble à l'autre. Et il est déjà dedans. Comme dans le conte de fées des sept chevreaux. Pourquoi ? Leur mère ne les avait-t-elle pas mis en garde avant de sortir ?
Avant de sortir, la mère ne les avait-t-elle pas mis en garde ?
Comment cela peut-il arriver ? Peut-être subsiste-t-il certaines similitudes, des accords entre la mère et le loup. Peut-être parce que la vie est faite de mélanges, de plusieurs choses à la fois, et pas une sans l'autre. Personne n'est particulier. Personne n'est juste étranger ou sans appartenance. Là se cache le danger de se tromper. Aucun pays ne lui échappe, qui veut mettre fin au désordre, à l'ambiguïté et à l'absence de relations. Un danger auquel on ne peut répondre que par l'ouverture.
Mais au lieu d'ouvrir les portes, même celles des décisions et des ordres, nous - les sept chevreaux - travaillons par pure peur à renforcer le loup. Nous lui donnons nos propres traits, de sorte qu'il ressemble de plus en plus à notre mère. Jusqu'à ce que le pays soit devenu loup de haut en bas. Et nous expulsons la mère dans l'avion. Avec elle la relation à notre vulnérabilité, l'impuissance et la dépendance par lesquelles nous sommes nés. Nous sommes ce que nous expulsons.
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"What is particular about the violence of men is that if silenced, especially if silenced, the violence spreads to the next generations." Julia Kristeva, Micropolitique, Paris: Editions de l’Aube, 2001, p. 51.
II. Fragile in/visibilité
4 Le cas de l’« Opération Automne noir » (Action Black Autumn). Le 15 octobre 1985, le chef de service de l'Office fédéral de la police adresse, au nom de la conseillère fédérale Elisabeth Kopp, une dépêche sollicitant la Direction politique du Département fédéral des affaires étrangères en ces termes : « L’opération contre la cinquantaine de personnes originaires du Zaïre, qui ont demandé l'asile illégalement, débutera le 1er novembre 1985 par l'arrestation des personnes en question. Il existe une volonté politique de transférer immédiatement ces étrangers à Kinshasa par un vol charter sous escorte policière. Nous sommes actuellement occupés à essayer d'obtenir l'accord d'une compagnie aérienne nationale ou étrangère pour ce vol ».Ceci marque le début de l’opération «Automne noir » qui aboutira quelques semaines plus tard à l'expulsion de la Suisse de plus de 50 hommes et femmes de ce qui était alors le Zaïr. Plusieurs semaines s'écoulent entre l'arrestation pour faux documents et donc violation de la loi sur l'asile, l'internement et l'expulsion proprement dite. Pendant ce temps, reflet d'un vaste dispositif de capture, les personnes qui se cachent doivent être localisés dans les différents cantons, leurs documents de voyage préparés, les traducteurs et escortes ainsi que les différents transports organisés. Des préparatifs à l'exécution de l'intervention et ses suites, une myriade d'acteurs sont impliqués : le Département fédéral de justice et police, la police cantonale, des avocats, des médecins, du personnel aéronautique, des politiciens, des diplomates, des ONG ainsi que des médias nationaux et internationaux sont alertés et interviennent à tour de rôle. Selon des témoins oculaires, les Zaïrois opposent une résistance considérable lors de leur déportation le 3 novembre 1985. Dans une demande d'enquête parlementaire formulée subséquemment par le Parti social-démocrate suisse, on peut lire : «'Automne noir' s'est transformé en une déportation (deportation) pure et simple. La police tessinoise et zurichoise s'est comportée de manière brutale », de sorte que les autorités zaïroises ont convoqué les ambassadeurs suisses à Kinshasa pour « protester contre la méthode employée au cours de l'expulsion ». Les médias écrivent que déportation a été effectuée à la manière d'un « transport de bétail ».
Les médias écrivent que la déportation a été effectuée à la manière d'un « transport de bétail ».
Si l'Office fédéral de la police rejette les allégations de violences policières, il évoque également les circonstances particulières, selon lesquelles « il ne s'agissait ni de réfugiés ni de demandeurs d'asile [...], mais d'étrangers indésirables qui avaient tenté d'obtenir l'asile sous une fausse identité ». Le commandant de la police du canton de Zurich a adressé une lettre aux médecins concernés : « Cette expulsion était également une nouveauté pour nous, nous sommes en train d'évaluer systématiquement les expériences faites et de les consigner par écrit comme base pour tout déploiement ultérieur d'un type similaire. Vos recommandations médicales sont donc très précieuses pour nous et seront incluses dans la documentation d'évaluation mentionnée. Je suis heureux de profiter de l'occasion pour vous remercier une fois de plus de votre volonté d'accompagner cette expulsion par voie aérienne. Les actions de ce type comportent toujours de nombreux aspects contraignants pour nous, et aucun policier n'y prend part avec plaisir. Pour nous, cependant, il s'agit simplement d'un devoir légal auquel personne ne peut se soustraire ».
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Action Black Autumn, Switzerland, 1985. Big deportation campaign to Zaire, Zurich – Kinshasa. 59 people taken away. 140 police officers on duty, two doctors. Black autumn mission, its traces. Macbeth,: ‘If it were done when’ tis done, then ’twere well / It were done quickly') Action black Autumn action
5 « … et aucun policier n'y prend part avec plaisir. » Automne noir de Suisse.
Les médecins et les policiers sont remerciés pour leur engagement au plus haut niveau. Qu'ils n'ont pas exécuté avec joie, comme le souligne le chef de la police. Freud écrit que le problème n'est pas le meurtre, mais ses traces. (Il tient cela de Macbeth, qui ne désire rien d'autre que : « Si c'en était fait, une fois fait, alors il serait bien que ce soit vite fait. »)
Le problème n'est pas le meurtre, mais ses traces.
Si un chef de police, pour justifier ses policiers et ses agents de la force publique, fait remarquer que l'opération n'avait pas été une partie de plaisir, on peut supposer que le jeu valait la chandelle. Le chef de la police me demanderait sûrement comment j'en suis arrivé à cela, cette allégation immodérée. Mais en tant que personne qui manie le langage, qui essaie d'écouter attentivement le silence sous-jacent, cette réaction m'est familière depuis l'école, où mon professeur d'allemand annotait sous presque chaque interprétation de poème : surinterprété. Un terme qui pour moi est depuis lors un indicateur qu'il s'agit de traces qui ne devraient pas être vues.
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6 Les expulsions depuis la Suisse n'étaient pas un phénomène nouveau à l'époque. Les « expulsions des pauvres », consacrées par la loi, par exemple, dans lesquelles les personnes étrangères devenaient une charge pour l'assistance publique avaient, surtout depuis le début du XXe siècle, avec la « nationalisation du social » (Gérard Noiriel), avaient touché des personnes du territoire suisse (Matter, 2014). Différentes variantes d'« expulsions » se sont développées au fil des décennies, qui ont touché à plusieurs reprises de nouveaux groupes cibles : par exemple, les soi-disant « vagabonds » et « romanichels » au début du siècle et surtout les personnes juives pendant la Seconde Guerre mondiale (Gadient, 2019).
Les autorités ont justifié leur discrétion en raison du risque que les personnes visées se dérobent.
Ce qui est nouveau dans les années 1980, c'est le déploiement d'un vol charter. Mais le fait que l'"Aktion Schwarzer Herbst" soit apparue au grand jour est principalement dû à une coïncidence : si l'on en croit le tabloïd Blick, c'est un journaliste de Suisse romande qui découvre par hasard l'expulsion et obtient des informations des autorités. Les autres informations dont nous disposons sur le déroulement de cette expulsion proviennent du personnel navigant impliqué dans l'expulsion. Ce n'est qu'ensuite que le Département fédéral de justice et police a communiqué et mentionné l'expulsion dans un communiqué de presse. Dans le cas des Zaïrois, les autorités ont justifié leur discrétion par le risque que les personnes visées se dérobent : « L'opération requiert une préparation minutieuse et doit être traitée avec la plus grande discrétion », écrivaient-elles avant l'exécution de l'action. Au lendemain de l'expulsion, Blick écrivait que le porte-parole de la presse et la police cantonale impliquée dans l'expulsion « ont essayé d'entourer la « campagne Automne noir » du plus grand secret dès le début ». A cette époque, presque toutes les expulsions par voie aérienne ne deviennent publiques que par hasard. Lors d’un autre événement, des tranquillisants ont été utilisés pour l'expulsion de deux réfugiés zaïrois de Lucerne. L'affaire n'est à nouveau parvenue aux médias que par hasard, le médecin conseil ayant fait parvenir la facture à la mauvaise adresse.
Si l’on envisage les expulsions en termes de régimes de visibilité, il convient de reconnaître la participation de différents acteurs à la mise au jour des faits : alors que l'État tente de dissimuler l'acte de l'expulsion, celui-ci ne devient public que par erreur. Ce n'est qu'alors que les médias, les groupes de défense des droits de l'homme et les politiciens interviennent pour créer une autre strate de visibilité.
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7 Spectacle médiatique. Peu après leur expulsion, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel rapporte que les déportés ont été enchaînés et traités avec brutalité. Quelques semaines après « l’opération » le journaliste de l'hebdomadaire Weltwoche, Peter Hartmann, suit les « traces des 59 réfugiés zaïrois » et s'envole avec d'autres confrères à l'invitation du président Mobutu au Zaïre « pour compter le nombre de réfugiés qui sont revenus, dont, selon un titre de La Suisse, six étaient morts dans les chambres froides de l'hôpital de Mamayemo ». Dans son article intitulé « Comment Mobutu apprend aux petits Suisses à compter », le journaliste décrit la « manifestation » des expulsés : dans le grand studio de télévision de la Voix de Zaïre, les projecteurs tombent sur un groupe de personnes silencieuses, tranquillement assises, qui ont quitté la Suisse le 3 novembre, menottées. Plusieurs personnes racontent leurs expériences devant la caméra : le ministre Ramazzani fulmine contre la « campagne honteuse contre le Zaïre » menée par la Suisse ; le médecin-chef belge Jean Seghers de l'hôpital Mamayemo précise que « 15 personnes ont reçu des soins ambulatoires immédiatement après leur arrivée, en raison des blessures infligées par des policiers suisses » (Hartmann, 1985). Devant le faisceau des projecteurs, la caméra de la télévision zaïroise crée un halo lumineux qui révèle au monde entier l'histoire de l'expulsion. Ces reportages médiatiques entraînent-ils la production d'une sorte de contre-visibilité ?
« Sur quelles bases pouvons-nous supposer que la violence se produit toujours à la surface, que ses effets sont visibles dans tous les cas? »
Comme l'affirme William Walters, « en l'absence de telles campagnes, il n'y aurait que quelques chiffres, des cibles, des cas, des statistiques. Mais dans l'espace public généré par les pétitions, les manifestations (...), l'expulsé acquiert un visage, devient une personne, une vie humaine » (Walters, 2018 : 35). Néanmoins, « sur quelles bases pouvons-nous supposer que la violence se produit toujours à la surface, que ses effets sont visibles dans tous les cas ? » (Winter, 2012 : 196). Les blessures sur les corps et le cœur restent souvent invisibles, n'infligeant de la souffrance qu'aux victimes. Elles ne laissent subsister que de légères traces pour que les chercheurs parviennent à les déchiffrer par la suite.
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III. Les protestations et leurs traces violentes
8 La vie en déportation. La vie comme déportation. L'évolution depuis 1985 jusqu'à aujourd'hui – Avons-nous, les pays occidentaux, les pays riches, fait de l'espace, de ses stations, de ses orbites, de ses voies sûres une rampe de sélection sans fin ? Là où nous sommes, toujours sans voix, sans parole, sans sens, sans savoir si nous n’aurons jamais existé. De sorte que seuls les morts savent si leur déportation est un jour parvenue à terme.
De sorte que seuls les morts savent si leur déportation est un jour parvenue à terme.
Une mobilité accélérée sans limites s'est emparée du ciel, de la distance et du temps. Elle nous impose un rythme qui semble rendre tout retard, toute hésitation, impossible. Un rythme qui nous fait perdre nos repères, dériver sans lieu et sans but. Prêts à suivre toutes les instructions sans poser de questions. Ce que nous appelons tourisme est devenu depuis longtemps, dans son expansion mondiale, une forme de déportation. Comme on déporte des personnes, des pays, des cieux, des villes et des mers... (Kretzen, 2019).
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9 « Les expulsés doivent être traités avec la même courtoisie et le même tact que les autres passagers. » (Swissair).
Alessandro Spena a mis en évidence trois formes principales de résistance dans les espaces restreints servant à la détention des immigrants ou les procédures d'expulsion : premièrement, la résistance institutionnalisée qui utilise les voies édictées par la loi ; deuxièmement, la résistance anti-institutionnalisée réalisée par des actions interdites par les lois existantes et donc, généralement, classées par les autorités publiques et l'opinion publique, comme des formes de « criminalité », de « violence » et de « vandalisme » (comme les émeutes et les troubles à l'ordre public) ; et troisièmement, la résistance non-institutionnelle par des actions qui ne sont ni prescrites comme des « recours judiciaires canoniques », ni contraires à la loi (comme l'automutilation). (Spena, 2016).
Les études dans ce domaine ont mis en évidence le caractère limités, les interruptions et les perturbations qui interviennent dans la « machine bien huilée » du régime des expulsions, lesquelles ne s'appliquent pas seulement au niveau de la politique internationale, ou des bureaucraties, mais s'emparent également des corps, des sentiments et des âmes des expulsés eux-mêmes. La menace d'expulsion a déclenché une panoplie d'actes de protestation : grèves de la faim, suicides, automutilation... Ceux-ci peuvent être lus comme des actes politiques de remises en cause des justifications de l'État pour l'expulsion (Drotbohm, 2013). Ils font également ressortir la volonté politique - le plus souvent très limitée - des populations expulsables. Mais quel type de résistance est possible dans un avion charter isolé, coupé de l'attention du public ? Les dossiers d'archives de l'opération Automne noir contiennent des traces fragmentaires de résistance violente.
Les dossiers d'archives de l'opération Automne noir contiennent des traces fragmentaires de résistance violente.
Les turbulences du début du vol témoignent du bouleversement physique et émotionnel des expulsés. Comme le mentionnent les médecins dans leur rapport, trois policiers présentaient des morsures aux mains et aux avant-bras ; et « un autre homme ayant un poignet gauche apparemment assez douloureux (causé par un comportement impétueux dans les menottes), nous avons fixé son avant-bras et son poignet et lui avons administré un antidouleur ».Un autre rapport mentionne un policier avec « un bras cassé », et les journaux et les rapports officiels parlent de cris et de « violents affrontements » entre les expulsés zaïrois et la police - des signes indubitables que les migrants étaient déportés contre leur gré et qu'ils se sont défendus avec les mains, les pieds et les dents, laissant des traces visibles sur le corps.
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10 Dans certains cas, les expulsés eux-mêmes ou les communautés de migrants parviennent à articuler et à activer des protestations et des résistance sociales, et à réclamer la protection de l'État pour les populations menacées d'expulsion. L'Opération automne noir suscite même des protestations internationales : devant l'ambassade de Suisse à Stockholm, par exemple, des citoyens zaïrois manifestent. Les chercheurs ont souligné que l'étiquetage et l'expulsion d'une catégorie donnée d'étrangers ne créent pas nécessairement une cohésion au sein des sociétés d'expulsion dans leur ensemble. Des conflits litigieux peuvent survenir entre les citoyens, et entre les citoyens et les autorités de l'État, sur la question de savoir qui peut bénéficier de la protection de l'État et qui ne le peut pas. De nombreuses campagnes contre l'expulsion s'inspirent des discours sur les droits de la personne en soulignant la vulnérabilité, l'innocence et le besoin de protection des populations expulsables. Elles parviennent parfois à sensibiliser l'opinion publique et à réhumaniser la figure de l'expulsé. (Drotbohm, 2013; Inda, 2011).
La liste des accusations contre le gouvernement suisse et son « opération » est longue. La Ligue des droits de l'Homme, qui documente et organise des protestations et des pétitions sur les violations des droits de la personne, formule de graves allégations à l'encontre du chef du Département de justice et de police ainsi qu’à l’égard de l'Office fédéral de la police (BAP) après l'incident : « Un dossier présenté à la presse vendredi a allégué que le BAP était incapable de faire des enquêtes détaillées sur les demandeurs d'asile. Sur la base de nos propres recherches sur les 59 Zaïrois récemment expulsés, la ligue veut prouver que tant l'ambassade à Kinshasa et le BAP ont commis de graves erreurs. Dans son dossier, elle exige que le Conseil fédéral prenne position sur ces allégations, qu'il ne rapatrie plus les demandeurs d'asile déboutés tant qu'il y a des incertitudes et que les enquêtes soient non seulement menées correctement, mais aussi en coopération avec les organisations humanitaires ». D'autres soutiennent que malgré la volonté du président Mobutu d'« exhiber » les 59 déportés zaïrois à la télévision, cela ne constituait aucune assurance contre la menace de mort qui pesait sur eux au lendemain, tant on sait que la torture était courante au Zaïre. « Lors d'actions précédentes, le président avait également procédé à de telles démonstrations, mais avait ensuite fait tuer les personnes concernées après leur présentation ». Le Comité d'asile affirme que la « campagne Automne noir » a terni la réputation de la Suisse en tant que pays humanitaire.
Le Comité d'asile affirme que la « campagne Automne noir » a terni la réputation de la Suisse en tant que pays humanitaire.
Le « rapatriement » a non seulement ignoré le droit d'asile, mais aussi l'interdiction de la torture. « La substance du droit d'asile suisse s'effrite, les demandeurs d'asile sont traités de manière inhumaine (...) et un opportunisme à courte vue ne peut plus être passé sous silence par les autorités.» Le porte-parole du "Comité de coordination de l'opposition zaïroise", Mathieu Musey, émet la critique la plus acerbe. Lui-même opposant politique au Zaïre, est déporté, peu après l'opération Automne noir, en hélicoptère d'abord vers l'aéroport militaire de Payerne et de là en jet privé vers Kinshasa. Il vit alors depuis 15 ans en Suisse avant que sa demande d'asile ne soit rejetée. Son cas devient l'un des plus célèbres et des plus spectaculaires de l'histoire Suisse. Dans le cadre de l'opération Automne noir, Musey se demande « pourquoi l'expulsion massive a-t-elle été testée sur les Africains, parmi tous les peuples. Les anciens esclaves noirs ont servi de cobayes ». Lors de la conférence de presse suivante, la crainte de nouvelles actions de masse concertées est exprimée : « À Genève, par exemple, de véritables rafles sont effectuées sur des noirs.”
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11Les noms se font écho comme les oiseaux s'appellent. Automne noir, Automne allemand (Deutscher Herbst). 1977. Les terroristes Bader, Meinhof, Enslin de la Fraction armée rouge (FAR) sont retrouvés morts dans leurs cellules. Après l'échec du détournement d'un avion de la Lufthansa à destination de Mogadiscio, suivi du meurtre de Hans-Martin Schleyer.
J'avais 21 ans, j'étais émotionnellement perturbé et confus. Fermement convaincu que les membres de la FAR acaient été assassinés. Pendant des semaines, il y a eu des descentes dans les communes des amis, la plupart du temps la nuit ou tôt le matin. Les maisons étaient encerclées. Des voitures arrêtées sur les autoroutes, des policiers avec des mitrailleuses devant lesquels nous devions nous aligner. J'avais peur de l'Allemagne en Allemagne. C'est avec cette peur au ventre que je suis né dans ce pays. Les traces de l'Holocauste, les annihilations de la guerre étaient palpables partout. Plus elles étaient niées, plus elles étaient fortes.
Tout ce qui ne peut être dit, qui reste nié, revient, nous hante, se tient dans le couloir, nous attend. Il meurt, il est oublié, mais il ne disparaît pas. Quand j'avais peur, enfant, en rêvant de la guerre, les adultes disaient que c'était la peur du noir, tous les enfants avaient ça.
Qui pleure pour ceux qui ont été emportés ?
De cette obscurité, les noms se font écho. Automne allemand et Automne noir en Suisse. Le cœur d'une horreur indicible bat là, une blessure qui n'a pas encore trouvé son langage, et un deuil impossible. Qui pleure pour ceux qui ont été emportés ? Leur disparition dans le ventre des grands oiseaux. La tombe dans l'air.
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Names call each other
IV. Enchevêtrements coloniaux
12 La figure de « l'esclave migrant », ainsi que la comparaison et l'évocation fréquentes des expulsés zaïrois comme « cobayes » et bestiaux, amènent à se demander ce que la formation des régimes d'expulsion en Suisse a à voir avec le colonialisme et l'histoire coloniale.
Comment comprendre les formes et les effets des régimes coloniaux dans un pays comme la Suisse ? Et qu'est-ce que les expulsions ont à voir avec cela ? (Purtschert, Falk, Lüthi, 2015 ; Purtschert, Lüthi, Falk, 2013). Il est important de scruter les manières souvent dépolitisées et déshistoricisées dont les migrations et les déportations contemporaines en sont venues à être associées aux imaginaires de la traite transatlantique en replaçant les récits dans leur contexte.
L'opération Automne noir en Suisse doit être comprise dans le cadre des changements juridiques et discursifs de la politique d'immigration de la première moitié du XXe siècle et de la politique d'asile de l'après-guerre. Premièrement, à la suite de la crise économique mondiale de 1973, de nouveaux processus de négociation de la politique d'immigration ont eu lieu marquant la transition vers une politique de quotas plus restrictive. Deuxièmement, ce processus a été largement soutenu par les groupes d'intérêts économiques, mais surtout par les mouvements et partis nationalistes autoritaires de droite. La plupart des partis politiques suisses ont répondu de manière préventive à leurs demandes en se conformant à des lois plus strictes en matière d'asile (Skenderovic et D'Amato, 2008). Troisièmement, ces changements ont également été des réponses à l'évolution des mobilités transnationales, à l’accroissement de demandeurs d'asile, dont la diversité d'origine a été présentée comme un nouveau défi. L'arrivée des nouveaux demandeurs d'asile a entraîné une modification de « l'économie morale » (Didier Fassin) au sein de la société suisse. En Suisse, après la Seconde Guerre mondiale, encore sous le choc de l'Holocauste, le « respect » envers les réfugiés communistes qui arrivaient faisait partie des valeurs morales acceptées. Cela correspondait également à des considérations pratiques de demande de main-d'œuvre. Ces manières de voir les choses ont changé à la fin des années 1970 avec l'arrivée des demandeurs d'asile du Sud qui fuyaient la pauvreté, la sécheresse et la guerre.
Comment comprendre les formes et les effets des régimes coloniaux dans un pays comme la Suisse ? Et quel est le rapport avec les expulsions ?
Comme l'affirme William Walters, la racisation et la mise en avant du caractère d’étranger sont des éléments « qui ont historiquement servi à faire en sorte que les expulsions ne semblent pas du tout extraordinaires, malgré la violence qu'elles impliquent, mais au contraire tout à fait acceptables pour des segments significatifs de la population » (Walters, 2018 : 35). C'est au cours de ces années qu'apparaît la distinction entre « vrais » et « faux réfugiés ». Ainsi, l'un des rôles clés de l'expulsion est mis en marche : distinguer les citoyens (potentiels) des non-citoyens - et ainsi solidifier une inégalité sociale d'exclusion pour un avenir indéfini en délimitant qui a le droit de rester et qui doit partir.
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13 Ces expulsions doivent également être comprises dans le contexte de l'histoire coloniale et des relations profondément ancrées de la Suisse avec les pays du Sud global. Le Zaïre en est un exemple paradigmatique (Perrenoud 2018) : La colonisation belge Zaïre à l’époque du roi Léopold II (1865-1909), de ce qui est devenu le Zaïre de 1971 à 1997, puis la République démocratique du Congo a été soutenue par des officiers, des administrateurs et des marchands suisses qui étaient impliqués dans la traite des esclaves (David, Bouda et Schaufelbuehl, 2005). Entre 1773 et 1830, des Suisses ont pris part directement à une centaine d'expéditions au cours desquelles environ 20 000 personnes ont été expédiées de force à travers les océans. Dans le même temps, les milieux ecclésiastiques et intellectuels, notamment de Suisse romande, s'engageaient contre l'esclavage. Dans la seconde moitié du XIXème siècle, un mouvement anti-esclavagiste se développe également en Suisse. Entre 1877 et 1898, diverses sociétés nouvellement fondées se sont engagées à lutter contre la traite des esclaves par les musulmans en Afrique et au Moyen-Orient. Le milieu social dans lequel évoluaient ces associations était le conservatisme libéral, étroitement lié au mouvement de renouveau évangélique, qui promouvait le projet d'un renouveau religieux et moral de la société à travers une grande variété d'organisations. L'Afrique représentait alors un « espace fantasmé » sur lequel les conflits au sein de la Confédération pouvaient être projetés. C'est également à cette époque qu'est créé un comité de soutien à l'exploration géographique de l'Afrique. En 1876, le roi des Belges Léopold II organise à Bruxelles une conférence des sociétés nationales de géographie qui, à la suite des expéditions de David Livingstone et d'Henri Morton Stanley, planifie d'autres voyages de recherche en Afrique centrale afin d'acquérir de nouvelles connaissances en vue d'une colonisation ultérieure. L'Association internationale africaine fondée lors de cette conférence a ouvert des sections dans différents pays, dont le Comité national suisse pour l'exploration et la civilisation de l'Afrique centrale en 1877. Ces sections ont collecté des fonds pour financer d'autres expéditions de recherche. En 1885, après la conférence de Berlin sur le Congo, qui à attribué le bassin du Congo au roi de Belgique, la section suisse se dissout. La fin de la colonisation ne signifie toutefois pas la fin des relations de la Suisse avec le Congo. Dans l'entre-deux-guerres, et surtout après 1945, les relations économiques et financières avec le Congo belge se sont intensifiées par la vente d'équipements techniques, de produits chimiques, de textiles et d'autres matériaux. Inversement, la Suisse a obtenu une grande variété de matières premières. Parallèlement aux relations économiques et aux investissements, un mouvement de migration s'est effectué dans les deux sens. Outre les étudiants zaïrois, les premiers réfugiés sont arrivés peu après l'indépendance du Congo en 1960. Pendant longtemps, ils ont représenté le plus grand groupe de réfugiés africains en Suisse. Mais les souvenirs de ces imbroglios et de ces histoires communes remontant à l'époque coloniale ont été complètement perdus lors de la formation des régimes de déportation en Europe occidentale. Nous voyons ici une résonance historique entre la traite des esclaves et les déportations.
Nous voyons ici une résonance historique entre la traite des esclaves et les déportations.
Ce ne sont pas des cargaisons inanimées, de nombreux Africains asservis ont résisté à leur voyage transatlantique forcé, tout comme de nombreux expulsés ont résisté à leurs expulsions transnationales. Se souvenir du passé de la Suisse et le replacer dans le contexte de migrations et des expulsions plus contemporaines nous rappelle comment les trajectoires géographiques et les personnes qui les empruntent ont été inversées. Au cours des siècles, la Suisse est passée d'un pays de migration de main-d'œuvre à un pays de destination des migrants, tout en se transformant en une nation d'expulsion.
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V. L'exécution apparemment lisse des expulsions: infrastructure et logistique
14 Au temps où souhaiter aidait encore. Au temps où souhaiter faisait encore du bien. La cruauté est là, elle fait partie de la vie. La défier, y résister, en fait tout autant partie. Résistance n'est qu'espérance, dit René Char. Chaque fois que des personnes sont emmenées contre leur gré et au nom de la loi, nous perdons l'espoir d'éviter la cruauté. Nous devenons même encore plus cruels et plus désespérés.
Nous vivons une époque d'exécutions. Lisses. Une machinerie bien lubrifiée, presque sans faille. Exécution est un autre mot de l'impitoyabilité. Parce que la grâce ne peut entrer que par des soupiraux.
Parce que la grâce ne peut entrer que par des soupiraux.
Mais elles sont scellés comme les frontières de nos pays occidentaux. Du temps où souhaiter aidait encore, où souhaiter faisait encore du bien. Ce temps dont parlent les contes de fées où il y avait des reports, des désobéissances aux ordres, des coïncidences inattendues qui semblent aussi insensées qu'heureuses.
Les contes de fées remontent à l'époque où formuler un vœu aidait encore. Au moins, cela pouvait déplacer des montagnes. Ils savent qu'au milieu des plus grands besoins, la voie médiane est la mort. De là viennent les rebondissements inattendus, les coïncidences heureuses qui sont le moteur des contes de fées et des souhaits. Nous avons scellé nos pays comme des havres de sécurité pour une catastrophe sans désir. En plus de la mère, il leur manque aussi le loup : chez soi, il ne subsiste plus aucune sensation.
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"When wishing still did some good"
15 La mobilité forcée n'implique pas seulement un déplacement de A à B, ce n'est pas une ligne entre deux points du globe. Elle implique une armée de bureaucrates, d'experts médicaux et judiciaires, de forces de police, de véhicules, de papiers d'identité et de documents - et plus encore. Les expulsions sont tributaires de technologies, de structures techniques, d'institutions et d'êtres humains qui rendent le déplacement forcé possible. Mais ces éléments sont également exposés aux processus de déstabilisation qui les rend vulnérables. Les perturbations de la fonctionnalité apparemment sans friction de la boite noire de « l'infrastructure » se manifestent dans les moments de défaillance ou d'obstruction.
Les perturbations de la fonctionnalité apparemment sans friction de la boite noire de« l’infrastructure » Blackbox se manifestent dans des moments de défaillance ou d'obstruction.
Dans le cas de l'opération Automne noir des moments de perturbation et de retard ont brièvement éclaté lors de la coordination logistique chaotique entre les cantons, lors des interventions des journalistes et des groupes de solidarité, ou lorsque les personnes expulsées ont opposé une résistance physique.
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16 Une lettre du personnel médical (un anesthésiste et le chef de l'ambulance de l'aéroport de Zurich, responsables du soutien médical) a pour en-tête :
« Mission au Zaïre, le 3 novembre 1985 : Rapatriement de 57 Africains escortés par 114 policiers suisses, un médecin urgentiste et un ambulancier (IVR), de Zurich à Kinshasa à bord d'un DC-10 de Swissair. »
Les deux professionnels de santé regroupent leurs informations dans un rapport destiné au commandant de la police cantonale de Zurich, en vue de la préparation éventuelle de directives et d'actions opérationnelles futures sur la base de cette première expérience. Ils décrivent en détail leur préparation au vol : « Nous nous sommes équipés de manière à pouvoir transporter plusieurs personnes soudainement malades ou blessées en cas d'actions violentes avec une assistance efficace, c'est-à-dire, dans les cas extrêmes, avec des fonctions vitales assurées, un soulagement adéquat de la douleur et une sédation vers le prochain hôpital compétent. Tant la tendance des gens à être ramenés chez eux pour des actions violentes que le 'matériel de réserve' apporté par la police pour sauvegarder la situation ont clairement montré pendant l'opération que nous avions fait nos (brefs) préparatifs sur la base d'appréciations réalistes. »
Ils décrivent en détail l'assistance médicale prodiguée dans l'avion pendant l'expulsion : trois policiers présentaient des morsures aux avant-bras et aux mains. Du côté des expulsés, deux avaient des irritations de la peau et un « avec un prétendu mal de tête dû à une contusion avec abrasion sur le front droit, qui, comme il l'a confirmé, datait de plus de 24 heures. (...) Nous avons pu soulager les bobos des trois avec des actes ciblés et surtout avec une bonne volonté dosée. » Ils décrivent ensuite leur concept de « trousse médicale » qui contient divers « matériels » tels que des réanimateurs, différents types de bandages, un sac comprenant entre autres 50 seringues et des médicaments tels que des ampoules de valium habituellement utilisées pour la sédation et de l'atropine normalement utilisée pour la réanimation cardio-pulmonaire.
Les descriptions sont condescendantes : Les expulsés sont qualifiés d'insoumis, leurs "prétendues" douleurs constamment remises en question, ils sont infantilisés, leurs blessures sont décrites comme de simples "bobos". Mais surtout, cet exemple rare et détaillé d'un vol d'expulsion précoce en Suisse montre comment, dès le début, les professionnels de la santé ont été impliqués dans la gestion biopolitique de la mobilité des migrants et ont participé à « adoucir sa fonction éliminatoire » (Blue, 2019 : 102). Alors que l'on pourrait arguer que leur présence sur les sites de rétention et d'expulsion était nécessaire pour assurer l'accès des expulsés aux soins médicaux, leur rôle risquait d'être instrumentalisé pour assurer la pérennité de la détention et la rapidité des expulsions. Ils sont devenus une partie du pouvoir investi dans le contrôle des expulsions. Ce seul vol a nécessité 114 policiers et un effectif médical pour assurer l'efficacité de cette forme de régulation et de discipline.
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VI. Que laisse-t-on derrière soi ?
17 «1 SAC SAMSONITE AVEC 8 PANTALON CUIR + 4 BLOUSON CUIR AVEC 1 VESTE BLANCHE AVEC 8 CENTURE AVEC 4 PANTALON TISSUT
1 VALISE AVEC 4 PAIRE DES CHAUSSURE 1 BLOUSON BLANCHE 1 BLOUSON NOIRE 5 PANTALON 1 SAC ROUGE SPORT AVEC 3 PAIRE DE CHAUSSURE 1 PAIRE DE CHAUSSURE PURNLE FOUTBAL…».
50 déclarations répertorient les objets personnels que les expulsés devaient laisser derrière eux en documentant précisément leur contenu, l'adresse où ils étaient entreposés, l'adresse à laquelle ils devaient être livrés au Zaïre par une autorité suisse et l'identité du propriétaire. Cette liste d'objets, soigneusement notée dans les formulaires prévus à cet effet, comprend l'ensemble des biens des expulsés et a été remplie et signée dans l'avion le jour même de leur expulsion. Comme l'a souligné le sociologue Niklas Luhmann, l'intervention administrative est justifiée non pas par un contenu spécifique, mais par des procédures. Il ne s'agit pas selon lui d'une légitimation par des procédures au sens du droit procédural, mais plutôt de « l'absorption de l'incertitude par étapes sélectives » visant à réduire la complexité. La légitimité d'une institution ou d'une procédure repose sur l'hypothèse de son acceptation (Luhmann, 1983). Des règles et des documents formalisés, un compte rendu méticuleux de tous les coûts de l'expulsion et des biens de la personne expulsée démontrent non seulement la précision bureaucratique, mais encore plus l'effort déployé pour légitimer la monstruosité de l'« action ». Comme les objets n'ont pas pris l'avion, ils reçoivent une vie propre dans le labyrinthe bureaucratique.
Quelques jours après l'expulsion, l'Office fédéral de la police à Berne a envoyé par télégramme les informations suivantes au Département fédéral des affaires étrangères : « En ce qui concerne les effets laissés en Suisse par les personnes expulsées, les enquêtes très élaborées de la Police cantonale tessinoise, en collaboration avec les représentants des autorités sanitaires concernées et de la police locale, sont toujours en cours, il est prévu que nous recevions les listes d'inventaire au début de la semaine prochaine, car selon les informations de la Police cantonale, il est déjà établi que certains des articles trouvés n'ont pas été payés (factures impayées disponibles), il ne faut pas s'attendre à ce que tous les effets soient transmis au Zaïre, mais que certains d'entre eux doivent être retournés au fournisseur. Il est prévu de vous envoyer dès que possible les listes d'inventaire sur lesquelles sont marqués les articles libérés, afin que vous puissiez orienter les personnes concernées et leur demander d'expliquer ce qu'il advient de leurs effets et qu'elles sont prêtes à payer elles-mêmes les frais d'importation. » Ensuite, les noms complets et les dates de naissance des personnes expulsées des cantons du Tessin et de Vaud qui ont laissé leurs objets derrière elles sont soigneusement répertoriés :
N 128725 alves cartos m. 01.08.65
N 124929 areado avea gregorio j. 10.06.58
N 126516 banho joao manuel a. 18.10.55
N 128723 basi k. 17.12.57
N 99099 benga-ngyendoto n. 23.04.59
N 123624 benga-ngyendolo-eluki b. 01.11.60 and child benga-ngyendolo t. 01.10.85
…
Les factures adressées au “Bundesamt für Polizeiwesen, Sektion Flüchtlinge” (Office fédéral de la police, Divisions réfugiés), à Berne détaillent méticuleusement les coûts énormes de toute cette « action ». Tout aussi bien documentés que les objets laissés derrière eux, les dossiers contiennent les factures et les comptes du vol (y compris les "avant" et les "après"). L'expulsion coûte à la police cantonale 44 122,35 francs suisses, ce qui couvre principalement les heures travaillées par les policiers impliqués. D'après le magazine allemand Der Spiegel, l'avion utilisé pour l'opération (type DC-10 de la Balair) coûte aux autorités suisses 320 000 francs suisses supplémentaires. Ni dans les médias, ni au parlement, ni en public, il n'est fait mention des coûts.
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«1 SAC SAMSONITE AVEC 8 PANTALON CUIR + 4 BLOUSON CUIR AVEC 1 VESTE BLANCHE AVEC 8 CENTURE AVEC 4 PANTALON TISSUT
1 VALISE AVEC 4 PAIRE DES CHAUSSURE 1 BLOUSON BLANCHE 1 BLOUSON NOIRE 5 PANTALON 1 SAC ROUGE SPORT AVEC 3 PAIRE DE CHAUSSURE 1 PAIRE DE CHAUSSURE PURNLE FOUTBAL…»
18Le sommeil, auquel nous avons droit. Avec tous les calculs de l'économie, des intérêts coloniaux et des décisions politiques, les expulsions ne sont-elles pas aussi toujours des tentatives de capturer enfin ce qui nous assaille, de le maîtriser, de le conquérir et de ne plus jamais avoir peur ? N'est-ce pas là une raison de l'approbation, du consentement à l'immunisation, de l'insensibilité qui nous est demandée si nous considérons l'expulsion comme une solution et un acte de justice ?
Avons-nous jamais cessé d'obéir aux ordres ? De courber l'échine. Regarder ailleurs. Écouter ailleurs. De se laisser tromper contre toute connaissance de cause ? Pour ne pas écouter nos peurs et croire que quelqu'un d'autre pourrait savoir mieux que nous ce qui est bon et ce qui ne l'est pas ? À l'aube, quand nous dormons, nous sommes aussi emportés avec les autres qui ne nous appartiennent pas.
A l'aube, quand nous dormons, nous sommes aussi emportés avec ceux qui ne nous appartiennent pas.
Notre sommeil des justes auxquels nous croyons avoir droit nous est ravi. Tandis que les autres qui ne nous appartiennent pas sont enlevés. Dans leurs chambres, leurs cellules, leurs lits. Le temps ne s'est pas arrêté pour que les maisons soient encerclées à l'aube. Ni vu ni connu. Tout comme dans le sommeil. 140 policiers en service. Fonctionnaires, personnes autorisées. A quoi pensent-ils ? Aux enfants, aux femmes, aux rapports sexuels, aux fusils et aux bananes d'Afrique. Le dernier “Tatort”, même alors le trois cent neuvième épisode.
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19Vols d'immunisation / Ce qui ne parle pas, c'est nous, qui n'entendons pas.
Comment parler d'une immunisation à laquelle nous nous soumettons continuellement, à laquelle nous sommes continuellement soumis ? Immunisés contre nous, contre la résistance, contre la sensation. Immunisés contre tout ce qui est là, qui parle, qui s'exprime et qui ne semble pas compter. Des statistiques, des listes, des noms, tout est organisé, sous contrôle. C'est ainsi que nous nous sommes installés dans nos démocraties entièrement automatisées. Que nous nous protégeons contre ceux qui n'y ont pas leur place. Les mots deviennent inaudibles. Y appartiennent ou pas comme ceux qui y appartiennent ou pas. Voilà l'ordre, voilà le travail constant de sélection. Ce travail, cette organisation lisse des processus, n'a pas cessé depuis la rampe. Elle transforme tous les processus en expulsions. Notre langue aussi est expulsée. Avec les avions sur leurs routes à travers le temps et l'espace, niant toute distance, la toile du ciel se déchire. Où les mots que nous pouvions donner disparaissent. Des mots que nous refusons toujours de rendre aux autres. Alors nos mots se sont transformés en pierre, ils ne disent toujours qu'eux-mêmes. Sans couture, sans pitié.
Où les mots que nous pouvions donner disparaissent.
Ce qui crie dans les avions, ce sont les enfants. Et parfois les musiciens d'un orchestre russe chantent pour avoir quelque chose à boire. Comme lors d'un de mes derniers vols long-courriers d'Osaka à Francfort. Nous avons volé avec le jour en nuit artificielle. On nous a demandé de fermer les fenêtres. Nous avions survolé la Mongolie, les sommets de l'Himalaya se profilaient au loin, nous approchions des grands fleuves de Sibérie, qui ressemblent à une mer. Les passagers s'assoupissaient dans leurs sièges comme des marionnettes molles. Et tandis que nous perdions toute référence à l'espace et au temps, nous volions à travers une extinction, une insensibilité que le fait de rester dans un avion exige de nous. À un moment donné, à mi-chemin, j'étais debout au fond l'office, essayant d'apercevoir à travers une fente étroite quelque chose de la Terre que nous survolions. Quand soudain mes yeux sont tombés sur les rangées de sièges qui semblaient s'étendre à l'infini devant moi. Illuminées par la lumière bleue des moniteurs sur lesquels étaient projetés des films dans lesquels on massacrait, on assassinait, on chassait, on se vengeait. Chacun dans la lumière de son film, une mission sacrée de guerre et de vengeance. En voie d'élimination hors de la Terre.
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Notes
21
1 L'ancien conte des sept chevreaux, recueilli par les frères Grimm, traite de manière presque paradigmatique de l'incertitude qui constitue toute maison. Son intérieur ne peut être soutenu sans une sortie. Et comment reconnaître ce qui vient de l'extérieur avec les moyens de la vue intérieure ?
Dans ce conte de fées, la mère part à la recherche de nourriture. Elle recommande à ses chevreaux de ne laisser entrer personne dans la maison, sauf elle-même. Elle les met explicitement en garde contre le loup, car la bête peut se camoufler, assumer d'autres formes, avancer masquée. Elles doivent toujours se souvenir que sa voix est grave et que ses pattes sont sombres. Dès la mère partie, le loup arrive. Les jeunes chèvres voient des pattes noires, entendent sa voix grave et ne le laissent pas entrer. Maintenant le loup se rend chez le boulanger, puis chez le meunier, il enduit ses pattes de pâte, puis de farine. Pour adoucir sa voix, il avale de la craie. De nouveau, il se tient devant la porte des chevreaux, montre sa patte blanche, fait entendre sa petite voix et les chèvres supposent que c'est leur mère. Elles lui ouvrent la porte et il les dévore l'une après l'autre, sauf la septième, qui a trouvé refuge dans l'horloge murale. Lorsque la mère revient, elle trouve les portes et les fenêtres arrachées, le loup est couché derrière la maison et dort. Elle entend alors la voix de la chèvre cachée dans le cabinet de la pendule et ensemble elles ouvrent avec des ciseaux le ventre du loup et les chèvres en sortent vivantes. Elles remplissent alors de pierres le ventre du loup et le recousent enfin. À la fin du conte, le loup se réveille, il a soif, il va vers le puits - dans lequel il précipite - et prononce la triste phrase : Je croyais que c'étaient des chèvres, mais ce ne sont que des pierres.
Cela signifie-t-il que, tant qu'il y a des êtres humains, ni les humains ni les animaux ne peuvent être sûrs de ce qu'il y a en eux ? Et comment est-il possible qu'on en soit arrivé là ?
2 BA 15. Oktober, 1985: E4280A#1998/296#338*.
3 Sur les relations historiques entre la Suisse et le Zaïre, voir (Perrenoud, 2018).
4 BA, 22. November 1985: E4280A#1998/296#338*.
5 BA, 11. November 1985: E4280A#1998/296#338*.
6 BA, 3. November 1985: E4280A#1998/296#338*.
7 BA, 30. September 1985: E4280A#1998/296#88*.
8 BA, 11. November 1985: E4280A#1998/296#338*.
9 BA, 17. Januar 1987: E4280A#1998/296#89*.
10 Ce NOUS signifie, par-dessus tout, un NOUS qui nomme ensemble les assujettis et les soumis - ou plus simplement - qui considère les auteurs et les victimes comme inséparablement liés. Un NOUS dont on ne parle pas si souvent, qui est interprété comme un déni de la culpabilité et de la douleur. Pourtant, il est question ici de NOUS, de parler des enchevêtrements et des liens entre les victimes et les bourreaux. Il s'agit de la possibilité de prendre conscience que ce que je fais à l'autre, je le fais aussi à moi-même. Nous ne pouvons pas échapper à ce contexte.
C'est pourquoi l'Occident est si brutal, fou, vide, insensé. C'est pourquoi il s'isole de plus en plus contre les autres, contre lui-même, contre la vie.
La culpabilité de l'Occident augmente, son isolement agressif vis-à-vis de l'extérieur est dirigé avant tout contre cette culpabilité qu'il porte en lui et contre laquelle il tente de se protéger davantage. Ce que j'ai à l'esprit ici, c'est l'idée d'un NOUS dans lequel les NOUS les plus divers peuvent se rassembler et différer.
11 “Internal Passenger Regulations“ der Swissair, BA, 13. Dezember 1984: E4300C- 01#1998/299#557*.
12 BA, 22. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
13 BA, 15. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
14 BA, 15. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
15 https://www.rts.ch/info/regions/jura/9239867-il-y-a-30-ans-lexpulsion-dune-famille-zairoise-secouait-le-jura-et-la-suisse.html ; https://www.luzernerzeitung.ch/international/der-beruhmteste-fluchtling-der-schweiz-ist-tot-ld.2129825?reduced=true.
16 BA, 15. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
17 Au cours de cette période, les migrants arrivant en Suisse provenaient principalement du Zaïre, de l'Angola, de la Somalie, de l'Erythrée/Ethiopie et, en plus grand nombre, du Sri Lanka et de la Turquie.
18 Sur la racialisation des réfugiés au cours des années 1980 et 1990, voir Lüthi et Skenderovic, à paraître en 2022).
19 BA, 4. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
20 BA, 4. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
21 BA, 4. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
22 BA, 3. November 1985: E4280A#1998/296#338*.
23 BA, 12. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
24 12. November, 1985: E4280A#1998/296#338*.
25 Tatort est une série populaire de films policiers en langue allemande, diffusée en continu depuis 1970, avec une trentaine d'épisodes long métrage par an.
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https://www.antiatlas-journal.net/pdf/antiatlas-journal-05-buettiker-kretzen-luethi-action-black-autumn-the-genesis-of-air-deportation-in-switzerland-1985.pdf